Hypocrisie Sociale : I am Hypocrite

En marge du #TBCS5E1, les lecteurs nous ont imposé pour thème l’hypocrisie sociale. Un sujet tout autant mystérieux que laborieux. Les prochaines lignes vous présentent mon approche du sujet. Je vous y propose un voyage dans la journée d’un homme ordinaire qui dans chacune de ses interactions avec la société, fait face a la nécessité, ou pas, d’être hypocrite. J’espère que vous allez vous régaler.

xe3grm6a2o2rxcdxeymv7ooin76jc3sachvcdoaizecfr3dnitcq_0_0Elle portait cette robe que je n’aimais pas du tout, et cette perruque jaunâtre. Franchement pas beau du tout! Et dire qu’elle comptait se rendre au boulot ainsi. Parfois, je me demandais où elle prenait ses vêtements, et surtout pour qui s’habillait t-elle ? Sûrement pas pour moi, encore moins pour elle-même. Personne ne peut se détester à ce point, pensai-je en souriant.
– Chéri, j’y vais. Cria t-elle.
– Bonne journée mon amour. Tu es sublime. Lançai-je aussi mécaniquement que j’aurais trouvé le chemin des toilettes en pleine nuit.
– A ce soir, entendis-je alors qu’elle fermait la porte

Une journée de plus ou j’allais devoir recommencer à jouer un rôle. Je ne sais déjà plus qu’elle est ma réelle personnalité, tellement je suis devenu malhonnête et faux-jeton à force de masques et faux-semblants. Le plus curieux c’est que cela semble être devenu une seconde nature autour de moi. Tous autant que nous sommes, nous exprimons des sentiments, des opinions que nous  n’avons  pas, ou que nous réprouvons, soit par intérêt, ou par lâcheté, mais je pense que c’est beaucoup plus par lâcheté. Je quitte mon lit en traînant les pieds, me demandant à quelle sauce je serai mangé aujourd’hui, ou plutôt à quelle sauce vais-je manger les autres?

image2Voila déjà cela qui commence à peine arrivé au bureau. Du haut de son habituelle mépris envers les autres, là voila qui arrive en face de moi dans le couloir. Arrivée au sommet de son département plus par chance que par le mérite – Son chef ayant été viré et la société n’ayant pas les moyens d’en trouver un autre – elle se prend pour le « nombril du Pape » et énerve littéralement tout le monde. Pourquoi a-t’il fallu qu’elle réponde autre chose que « Ça va bien » à  ma question mécanique « Comment ça va? » qui avait suivi mon « Bonjour » tout aussi désintéressé. Maintenant me voici en plein désarroi et vraiment embêté. Que vais-je bien pouvoir lui dire pour couper court à cette conversation que je ne voulais pas? Ne pouvait-elle pas faire comme moi et s’abstenir de répondre sincèrement à la question? Elle aurait bien pu dire « Je vais comme le R » que ça m’aurait largement suffit, et permis de continuer ma route. Me voici bloqué dans ce couloir face à elle, cherchant quoi lui dire. Elle me parle de son mal-être, du fait qu’elle n’ait pas de visibilité dans sa carrière, sera t-elle confirmée aux fonctions dont elle a héritées? Moi, bien-sur au courant du sort qui lui est réservé, feint de ne rien savoir, me délectant de cette fragilité subite

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Ces normes que nous imposent la société, nous obligeant à la politesse pour quelqu’un qu’on exècre, nous demandant de nous conduire en homme vertueux, bien que nous soyons bien loin de cela. Ceci illustre parfaitement le propos de La Rochefoucauld à propos de l’hypocrisie: « c’est un hommage que le vice rend à la vertu. »

Etant quelqu’un de nature joviale, il est assez aisé pour moi de passer entre les gouttes que représentent les mondanités. Alors ma journée commence par une tonne de rapports que je me presse d’évacuer, profitant de ce moment de solitude pour enfin redevenir moi, bosseur et dévoué, carriériste acharné qui ne lésine pas sur les moyens pour avancer. A ma pause café vers 10 heures, avec mes « amis », nous débattons de compétences de notre DGA, qui chose curieuse, nous rejoint quelques minutes après. Evidemment, nous changeons immédiatement de sujet, le saluons avec des courbettes alors que la minute d’avant, nous étions entrain de casser du sucre sur son dos.

« C’est un dangereux fléau mettant en péril l’honneur et la dignité, et l’entraînant à la négligence et à la déchéance morale. »

En rejoignant mon bureau, je m’interroge sur mon attitude quelques minutes auparavant. Cette hypocrisie ambiante, et dont je suis devenu un acteur majeur, est-ce vraiment moi? Mon défunt père se retournerait dans sa tombe s’il voyait ce qu’est devenu son bébé adoré. C’est à peine si je me reconnais. Je regarde autour de moi, comme pour vérifier qu’il n’y a pas eu de témoin de mon péché. Je me rends bien compte que cette attitude me vole la confiance en soi nécessaire pour réussir ma vie, et la remplace par le pessimisme, l’inquiétude et l’angoisse. Ce que les autres pensent de moi est devenu primordial, j’essaie de plaire et me complaît dans la fallacieuse facilité que me procure ce choix de vie. Ce raccourci vers la réussite, s’apparente plus à un chemindirecte vers la perte de toute identité personnelle. C’est un dangereux fléau mettant en péril l’honneur et la dignité, et l’entraînant à la négligence et à la déchéance morale.

« L’hypocrisie est un mensonge timide et bas ; le mépris est sa punition. »

Juste avant ma pause de midi, je suis appelé au bureau du Directeur Général où il me demande mon avis sur une situation qui le préoccupe: un de mes collègues Directeur veut se « débarrasser » d’un de ses collaborateurs, mais ne sait convaincre sur les réelles motivations. Or, il apparaît clairement que c’est un caprice personnel visant plus à évincer un potentiel adversaire plutôt qu’une nécessité pour l’entreprise. Je le regarde droit dans les yeux, et il me dégoûte. Je me rappelle du discours dithyrambique fait quelques semaines auparavant à propos de la même personne lors de la fête du travail, où il avait été présenté (Par ce même directeur) comme un employé exceptionnel, artisan majeur de la réussite de notre compagnie. Je le trouve subitement vil et malsain. « L’hypocrisie est un mensonge timide et bas ; le mépris est sa punition. » Ces propos de Jean-François de La Harpe résonnent dans mon cerveau, il… Je… me dégoûte. Vais-je oser prendre la défense de ce collègue? Vais-je plutôt plier sous le joug et penser à mes avantages qui pourraient être mis à mal par un affront? Le bien-être de mes enfants dépendrait-il du sort d’un parfait inconnu? Je n’ai qu’à faire comme d’habitude: retourner ma veste, toujours du bon coté…

Ainsi va ma journée, pleines de choix cornéliens que j’essaie autant que faire se peut de gérer sans toujours mettre en avant les valeurs nécessaires. Faut que je l’avoue, je commence même à craindre d’avoir perdu à jamais la notion de justice, pour moi ce qui est juste est tout ce qui ne me nuit pas, et Dieu Surement le Diable voulant, cela m’a conduit très vite au sommet de ma carrière. Et pourtant je ne suis pas heureux. C’est la tête basse que je quitte mon bureau en fin de journée, ne jouissant plus autant du doux bruit du V8 sous le capot de ma splendide BMW X6. Le grondement de ces chevaux-vapeurs, au début réconfortant, se change peu à peu en une complainte appelant à retrouver le vrai bénéficiaire de tout ce travail, ce moi à jamais enfoui. Ce moi que je ne connais plus et que j’ai décidé d’arrêter de rechercher.

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[…] Sur le chemin du retour, je dois faire escale et acheter des douceurs à mes bouts de choux, et cette boulangerie que nous adorons tous grouille de monde. Profitant d’une cliente distraite, je me faufile dans les rangs et me retrouve à la caisse en moins de cinq. La désapprobation des autres, je n’en ai cure, juste payer ma facture et m’en aller. Quelque peu honteux! Un homme quelque peu clerc, derrière moi lance : »C’est à des gens comme vous qu’on a remis notre pays, après vous irez accuser le président ». Je me souviens que dans ma jeunesse, je me disais contre les passe-droits, et je n’ai même pas la patience de faire la queue comme le commun des mortels. Oh… Pas plutard que ce matin, j’ai ainsi rabroué une vendeuse à la caisse de mon coin petit-déjeuner, la Crèperie, juste parce qu’elle avait servi avant moi un client qui lui avait parlé en sa langue vernaculaire. Ces choses que nous demandons aux autres, mais que jamais nous ne demandons à nous même… Les lamentations de mon moteur, me les ont rappelées jusqu’à mon arrivée à la maison.

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Le seul moment 100% sincère de ma journée, c’est quand mes enfants, heureux de me revoir en fin de journée viennent m’étreindre et que je leur rends leur tendresse de tout mon cœur et de toute mon âme. Ils me racontent leur journée, et Puis direction la salle de bain pour une pause-pipi bien méritée. En passant devant le miroir, j’ai un sursaut en regardant ce visage que je reconnais pas. Ce regard perçant qui me scrute presque et m’interroge sur qui je suis. Cette image innocente et saine que je vois dans ce reflet est à 1000 lieues de ce que je suis devenu, et le pire c’est que j’en suis conscient. Elle semble me demander si je ne me reproche rien au terme de ma journée. Mes parents ne seraient pas contents de moi. Le but qu’ils s’étaient donnés était de me doter d’une personnalité saine et profonde, et de me mobiliser pour la quête du bonheur. Rien ne joue un rôle plus déterminant qu’une personnalité forte pour assurer et se donner les moyens de faire face à l’agitation de la vie.

« Pour combattre l’hypocrisie les meilleures armes sont la franchise et la simplicité. » St Vincent De Paul

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Alors qu’avais-je fait de tout cela? Ce monologue intérieur me ramenait aux bases même de mon éducation. Qu’avais-je fait de ma simplicité? De la vérité qui avait guidé toute ma jeunesse? « Pour combattre l’hypocrisie les meilleures armes sont la franchise et la simplicité. »St Vincent De Paul. Ces propos prenaient à présent tout leur sens. Me serais-je perdu en route? Il fallait faire changer les choses. Mais aurai-je le courage de le faire? Ou alors j’allais continuer à juger l’hypocrisie sociale comme indispensable pour éviter de paraître celui qui empêche les gens de continuer à s’y complaire? Allais-je continuer à profiter de cette célébrité obtenue par la ruse, par la tromperie, par la parole flattante, par le fait de tirer profit des rivalités? Choix cornélien que je ne ferai pas ce soir. Cet unique moment où personne ne me regarde. Où il y’a aucune contrainte de la société m’obligeant à feindre. Où je suis face à mon moi profond, nu de toute contrainte, nu de toute ambition, nu de tout! Vais-je enfin être sincère? Ou au contraire, continuer à me mentir et à mentir à la société?

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Je balayai du revers de la main toutes ces pensées, et me dirigeai vers ma chambre. Demain est un autre jour…

Pour lire les contributions des autres blogueurs du #TBCS5E1 sur le même thème, je vous prie de cliquer sur les liens ci-dessous:

Elijah d’Arcy
Fafa Ianjatiana
Fedna Perla David
Laetitia Tonye Loe
Jay Dee Ibock

10 réflexions au sujet de « Hypocrisie Sociale : I am Hypocrite »

  1. Bon, moi, je dois avouer que ce sont les citations que j’ai adorées dans cet article hein.
    Sinon, je voudrais ajouter que l’hypocrisie est souvent un choix. Tu as si bien exprimé son influence sur la perte de la confiance en soi.

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  2. J’adore la sincérité qui se dégage de ton papier. On a coutume de dire qu’on a plusieurs masques. Mais l’analyse froide de cette déclaration sous entend que l’on sort chaque version de nous selon les circonstances et ça c’est être faux…. merci pour ce moment…. de lecture

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  5. On a l’obligation d’aimer nos enfants et de nous en occuper peu importe leur attitude. Ça ce n’est vrai que pour eux (quand ils sont encore petits). Pour le reste de la terre (conjoint et parent inclus), notre attitude dépend de la leur. Et puis c’est tout!

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  8. Merci Guy pour ce fabuleux texte. et merci encore pour tes citations, j’en connais une qui va les chipper.
    Te lire me rapelle mes années lycées, cours de langue francaise et les dissertations multiples.

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